Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mardi 13 décembre 2005
N° de pourvoi: 02-21259
Publié au bulletin
M. Ancel., président
Mme Chardonnet., conseiller rapporteur
M. Sainte-Rose., avocat général
SCP Gaschignard, Me Cossa., avocat(s)
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu que [L’époux] et [L’épouse] se sont mariés le 11 décembre 1995 ; que [L’épouse] a engagé une action en nullité du mariage sur le fondement de l’article 180, alinéa 2, du Code civil en soutenant avoir découvert, le soir de son mariage, que son mari entretenait une liaison avec une femme mariée ;
Attendu que [L’épouse] fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué (Paris, 20 décembre 2001) de l’avoir déboutée de sa demande, alors, selon le moyen :
1 / que l’erreur sur les qualités « substantielles » de la personne ne saurait s’apprécier de façon purement abstraite, sans considération pour les convictions religieuses ou philosophiques qui ont pu déterminer le consentement de l’autre partie, qu’en refusant de prononcer la nullité du mariage contracté par [L’épouse] au motif « qu’en l’état actuel des moeurs « la liaison durablement entretenue par [L’époux] avec une femme mariée ne pouvait pas constituer une cause de nullité du mariage, sans rechercher si, au regard des convictions religieuses très ancrées de [L’épouse], apparemment partagées par [L’époux] et communes à tout leur environnement social, cette liaison adultérine cachée à [L’épouse] n’avait pas pu caractériser une erreur déterminante du consentement de celle-ci, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard de l’article 180 du Code civil ;
2 / qu’il était soutenu, et de surcroît non contesté, que la liaison que [L’époux] entretenait depuis sept ans avec une femme mariée s’était prolongée au moins jusqu’au matin même de son mariage civil avec [L’épouse], qu’en se bornant à énoncer que [L’épouse] « ne prouve pas » que [L’époux] ait eu l’intention de continuer à entretenir cette liaison après son mariage, sans rechercher si le comportement de [L’époux] n’était pas objectivement incompatible avec la fidélité due au lien matrimonial et la loyauté des époux qui constituaient les qualités essentielles sur la foi desquelles [L’épouse] avait donné son consentement, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 180 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d’appel, qui s’est livrée à la recherche prétendument omise, a relevé que si [L’époux] reconnaissait avoir entretenu avant son mariage des relations avec une autre femme, il n’était pas démontré qu’il ait eu l’intention de poursuivre cette liaison après son mariage, en dépit des allégations malveillantes de cette personne sur la persistance de leur relation jusqu’au jour du mariage ; qu’elle a pu en déduire que le fait pour [L’époux] d’avoir caché à son épouse l’existence de cette relation antérieure ne constituait pas une tromperie sur ses qualités essentielles et a souverainement estimé que les convictions religieuses de [L’épouse] ne permettaient pas d’établir que celle-ci n’aurait pas contracté mariage si elle avait eu connaissance de cette liaison passée de son mari dans la mesure où les aspirations de [L’époux] à une union durable n’étaient nullement mises à mal par cette circonstance ; qu’elle a ainsi légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne [L’épouse] aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize décembre deux mille cinq.